Combre Challan

Combre Challan

Mes années Combre

Notre voyage jusqu'à Chalan

Un vague vrai ou faux souvenir me hante.
Nous sommes tous les trois, mon père, ma mère et moi dans un train ou dans un autocar.
Était-ce le tacot, un train qui distribuait deux gares, celle de Saint Victor et celle de Bourg de Thizy, proches de Chalan, le hameau où nous nous rendions. Était-ce un autocar qui nous aurait déposé à Bourg de Thizy.
Je ne sais pas.
Ma mère et moi sommes assis sur la même banquette en bois et mon père sur celle d’en face. Mon petit frère Gérard ne semble pas être là. Nous sommes tous profondément tristes. Mon père d’une voix lasse lance à ma mère : « C’est « de » ta faute ce qui nous arrive.

Le hameau de Chalan et leurs habitants

Une brouette telle que le “Père Troncy” en fabriquait.

               
https://fb.watch/uIhepwOrNG/
seaux pour récupérer le lait qui est versé dans l’écrèmeuse. 
Sur la vidéo on voit le lait séparé en deux parties la crème et le petit lait (lait sans crème).

la crème est vidée dans la barate dont on tourne la manivelle et qui fouette rapidement la crème laquelle s’épaissit en beurre. 
On verse dans le petit lait une petite quantité de présure pour le faire cailler, ainsi il devient pâteux. On verse le résultat dans une faisselle, c’est le fromage blanc. Si on laisse sécher assez longtemps ce dernier il devient du fromage sec. 

Famille Malowski : les parents en haut à droite, en bas, Mimi au milieu puis Jeanine. 

Dans le hameau les habitations étaient assez dispersées le long des différents chemins.

La première maison, à environ deux cents mètres de la nôtre était occupée par un vieux monsieur, le père Troncy, menuisier. Il fabriquait de solides brouettes qu’il polissait amoureusement. Il était fier de ses réalisations et j’étais très content qu’il me les montre en expliquant leur fabrication.

Un peu plus loin, la ferme des Latta, un couple de cultivateurs.
Lui, m’impressionnait par sa taille et son allure. Je dirais maintenant qu’il ressemblait à un cow-boy du genre de John Wayne. Un jour, il se mit à pisser contre un mur devant moi. J’entrevit son sexe que je trouvais énorme. C’est le seul souvenir que j’ai de lui.
Elle, une petite femme habillée de noir, les cheveux gris, la peau de son visage fripée, respirait difficilement. Elle souffrait d’asthme. Je la voyais souvent en train de s’occuper du lait, des fromages et du beurre qu’elle fabriquait  avec des machines que je découvrais. Elle récoltait le lait des vaches dans des sceaux en fer blanc. Elle séparait la crème du lait avec une écrémeuse. Elle versait la crème dans une baratte, un appareil  muni d’une manivelle qu’elle tournait à la main pour en faire du bon beurre jaune paille.
Elle ajoutait  dans le lait une petite quantité d’un produit, la présure pour le faire cailler afin qu’il devienne du fromage. Elle m’avait expliqué que la présure provenait de l’estomac des vaches.
Elle possédait une machine à laver le linge. Lorsque le lavage était terminé, elle passait les pièces une par une entre deux rouleaux qu’elle tournait à la manivelle pour en extirper l’eau afin qu’il sèche plus vite.

Monsieur et Madame Latta avaient quatre garçons :
Paul, l’ainé, était cuisinier au centre d’apprentissage de « La vallée » près de Saint Victor qui avait été transféré à Thizy. Il était marié avec Alice, la fille du père Troncy. Ils ont eu deux filles Marie-Claude et Maryse. Ils habitaient à Bourg de Thizy. Alice était concierge d’une grande maison bourgeoise. Ils venaient parfois à Chalan pour les vacances.
Claude qui était étudiant, Pierrot et Michel qui était à l’école de Combre avec moi.

Sur la route de Combre on trouvait la ferme des Saint-Paul dont le fils Claude était en classe avec moi. Il était plus âgé que moi, de l’âge de Michel Latta. Il portait des lunettes avec des verres très épais si non il ne voyait rien.

Un peu plus loin, la ferme du Lili Dumas, un cousin de ma mère et fils de Auguste Dumas. 

Puis plus haut la maison de Monsieur et madame Malowski des Polonais installés en France depuis longtemps. Ils avaient quatre enfants : Jeanine, la fiancée de mon parrain, Stéphane, ……, Mimi, lui aussi en classe avec moi.

Un peu plus bas, sur la route une autre maison abritait des femmes habillées de grandes robes longues colorées. On les appelait les « mouquères ». Elles venaient pour moi d’un pays lointain, l’Algérie. Nous en avions peur car des histoires effrayantes courraient à leur sujet. Mais mon père nous rassurait en nous disant que ce qui se racontait était faux et qu’elles étaient gentilles. Cependant un doute restait.

Notre maison


Notre maison en 2020. Nous habitions sur la gauche et mon parrain sur la droite. Puis le jardin entouré d’un mur.  

Mon parrain André ou Dédé, le frère de ma mère habitait une maison en location constituée de deux logements. Nous allions nous installer dans l’un d’eux juste à côté de celui de mon parrain 
Je ne me souviens pas de la configuration intérieure de notre appartement. Il me semble qu’il existait un étage avec des chambres. La cuisine et la salle commune étant au rez-de chaussée.
Apparemment les meubles étaient restés à Belley. Sur quoi mangions-nous ? Dans quoi dormions-nous ? Je ne sais pas. Ce devait être la misère mais elle ne semblait pas m’affecter. Je ne me souviens pas d’avoir été malheureux.
Un grand jardin entouré d’un mur jouxtait notre maison. Au printemps j’allais ramasser les fraises. J’en gouttais quelques-unes croquant à pleine dents jusqu’au pédoncule, le jus sucré et frais se déversant dans ma bouche. Plus tard, l’été, on cueillait de belles prunes jaunes sucrées ou sur le poirier des fruits murs et bien en chaire.

L'école


L’unique salle de classe devait se situer à gauche  de la grande maison. On l’aperçoit sur la seconde photo. 

Cartable que je portais sur le dos grâce à des lanières.

Le petit cheval par Georges Brassens

 

 

L’école
L’école était située dans le village de Combre, derrière l’église. Elle ne possédait qu’une classe et une seule institutrice y professait, Mme Lagrange Elle était jeune et gentille. Je pense que j’ai dû arriver en classe en cours d’année, en février ou mars au Cours élémentaire première année que j’avais commencé à Belley chez Monsieur Néroux. Du fait de la classe unique, Mme Lagrange s’occupait alternativement de chacune des sections et ainsi nous profitions par anticipation de l’enseignement dispensé aux sections supérieures.

En CE1 nous étions trois enfants. Je ne sais pas si j’étais aussi bon élève qu’à Belley. Dans le classement trimestriel, je me trouvais être deuxième ou troisième sur trois. Pour un aussi petit nombre, le classement n’était pas très significatif. Quant à mes notes, je ne m’en souviens pas du tout.

Chaque jour nous allions à l’école en prenant un petit chemin de deux kilomètres qui montait  tout du long. Nous étions trois ou quatre : Michel Latta, Claude Saint-Paul, Mimi Malowski et moi. Je ne me souviens pas si nous étions accompagnés de filles. Nous marchions allègrement car notre parcours durait environ une demi-heure. A chaque croisement, était érigée une croix métallique noire posée sur un socle en ciment gris. En passant devant tous mes copains se signaient. J’en faisais autant bien que je ne susse pas à quoi cela servait. Ce furent mes premiers contacts avec la religion.

 Nous avions tous un cartable que l’on portait sur le dos et en plus une gamelle en aluminium à plusieurs étages dans laquelle se trouvait notre repas de midi. A Combre, il n’y avait pas de cantine. Arrivés dans le village, nous déposions notre gamelle à l’endroit où nous allions manger à midi. Pour moi, c’était chez Madame Pacard. Je pense qu’un copain m’y accompagnait mais je ne me souviens plus qui.

Je me revois dans la classe assis à un bureau, mais je ne me souviens pas des récréations.

Le soir après la classe nous allions tous à l’église. Mes copains marmonnaient quelque chose devant une croix et une statue puis accomplissaient rapidement un signe de croix. Je les imitais sans savoir.

Puis nous revenions chez nous. Tout en descente, le voyage retour était plus facile. A l’aller comme au retour, nous passions devant l’atelier de menuiserie du père Troncy, la ferme des Dumas, celle des Saint-Paul, la maison des Malowski où Mimi nous rejoignais ou nous laissait.

Alors que j’avais dû faire une bêtise dans la classe, Mme Lagrange me pria de sortir de la classe et de rester dehors. C’était au printemps et pour me faire pardonner, je cueillis un beau bouquet que je lui montrais à travers la porte.

Nous apprenions ici aussi des chants . L’un d’eux  m’avait beaucoup frappé. Mme Lagrange nous l’avait fait écouter sur son électrophone avant qu’on ne l’apprenne. C’était « le petit cheval blanc », une chanson interprétée par un tout nouveau chanteur, Georges Brassens. Je regrettais beaucoup que le pauvre petit cheval meure sous un éclair blanc.

Par une belle journée de printemps, Madame Lagrange nous fit sortir nos bureaux qu’on installa sous le marronnier. Notre école de plein air nous rapprochait encore plus de la nature. Plus d’odeurs de craie et de plancher poussiéreux. Elles étaient remplacées par celles des feuilles, de l’herbe et des fleurs qui la parsemaient, un doux mélange changeant au grés du vent.Une légère brise parfumée affleurait notre peau encore toute blanche. 

Madame Pacard

Le matin on emportait avec nous notre déjeuner dans une gamelle en fer blanc.
On allait chacun dans une famille du bourg de Combre pour réchauffer nos victuailoles et les consommer à la table familiale.

Pour ma part, je me retrouvais chaque midi chez madame Pacard. Sa cuisine jouxtait l’atelier de tissage de son mari où grondait la mécanique de deux métiers à tisser.
Une trame d’une multitude de fils de couleur était traversée à grande vitesse par une navette qui dévidait tout au long de cette trame un autre fil. J’étais très intrigué par cette manière de confectionner du tissu, par le va et vient automatique de la navette et par les grandes roues et courroies qui transmettaient les mouvements aux différentes pièces de la machine. Monsieur Pacard m’avait expliqué tout cela.

A table, était assis avec nous sur une grande chaise  le père de madame Pacard  qu’elle faisait manger car il tremblait de tous ses membres et ne pouvait pas parler distinctement. Elle semblait très sévère avec lui et je m’en étonnais.

Une quarantaine d’année plus tard, dans ma vie professionnelle au foyer d’adolescents de Vichy , nous avons accueilli comme pensionnaire le neveu de Madame Pacard.

Ma vie en plein air



 

L’été, le soleil brillait et nous étions en vacances. Nous allions dans les champs munis de filets à papillon que nous chassions pour les conserver dans une boîte. Les champs étaient jonchés de fleurs de toutes les couleurs et les papillons abondaient. On n’avait que l’embarras du choix.

Un jour, alors que nous étions en chasse, Michel attira mon attention sur une bestiole que je ne connaissais encore pas. C’était une sauterelle. Il me dit que derrière elle, elle avait un couteau qui pouvait faire très mal. Dès que j’en voyais une, je me sauvais en courant. Le couteau en question était ses ailes repliées sur l’arrière qui donnaient l’illusion d’une lame verte.

Dans les champs, cachés sous les herbes, vivaient dans des trous des grillons que nous nous amusions à faire sortir de leur antre en les chatouillant avec une longue brindille. On récupérait avec la main, l’animal à la sortie. Nous le regardions, l’admirions même car nos savions qu’il portait bonheur et nous le relachions. 

Pas très loin de chez nous, une marre abritait des grenouilles, des salamandres, des sangsues.
Pour pécher les grenouilles on confectionnait avec des bâtons des canes à pêches improvisées. On ajoutait un fil, un hameçon et un petit morceau rouge, soit du papier, soit un morceau de tissu ou encore une feuille de coquelicot. Attirées par la couleur, les grenouilles venaient mordre dans l’hameçon dont elles ne pouvaient plus se dépêtrer. On les récupérait, on les mettait dans un sceau. Puis après notre pêche, on assommait chacune des grenouilles en lui fracassant la tête sur la table.
Ensuite on enlevait leur pyjama : on tirait sur la peau à partir de leur bas-ventre, ainsi leurs cuisses et leurs mollets apparaissaient dénudés, la chaire à vif, prêts à être dégustés. C’est ce qu’on appelle « manger des cuisses de grenouille » plat que nous envient les Anglais.

En début d’été, il y avait “les foins”. Le Lili coupait les hautes herbes poussées durant tout le printemps avec une machine tirée par  deux chevaux. Puis tout le monde s’affairait à rassembler le foin avec de grandes fourches pour le déposer dans un char lui aussi tiré par un cheval. Moi, je regardais de loin. J’aimais l’odeur de cette herbe sèche ainsi que celle des chevaux.le foin était entreposé dans un grenier. on adorait se rouler dedans. Ca nous piquait un peu nos jambes dénudées ou la nuque. Mais c’était si agréable de pouvoir sauter, se cacher dessous. Parfois des gens de passage y  dormaient et des amoureux s’y donnaient rendez vous et allongés sur cette herbe sèche, ils s’embrassaient longuement. 

 

Puis fin juillet et début Aout, c’étaient les “moissons”. Le blé avait muri et il était prêt à donner de la farine. D’ailleurs, lorsque nous empruntions un chemin bordant un champ de blé, nous coupions quelques épis pour en manger les graines que l’on mâchait longuement.
Là aussi le blé était coupé avec une machine tirée par les chevaux. Les épis et leur tige étaient récupérés et apportés vers une immense machine qui fonctionnait à l’électricité, la batteuse-lieuse.
A une extrémité on récupérait les grains de blés dans de grands sacs de toile de jute. De l’autre la machine donnait des bottes de paille que l’on entassait dans un char pour le porter dans une grange à côté du foin. Ainsi les vaches avaient-elles pour l’hiver de la nourriture avec le foin et des litières avec la paille. Quant aux sacs de blé, ils étaient emportés chez un meunier qui s’occupait de les moudre pour en extraire la farine.
Pour les moissons, il y avait un grand repas où tous ceux qui travaillaient mangeaient du jambon sec, des omelettes, du gratin dauphinois, buvaient du vin et en fin de repas de la gnole, un alcool fort fabriqué soit à partir du moût de raisin, soit à partir de prunes.
C’était une journée de fête. Tout le monde travaillait de bonne humeur, plaisantait, parfois chantait.

Geneviève Lata me demanda de garder une chèvre dans un champs afin qu’elle ne se sauve pas comme celle de Monsieur Seguin. Elle était attachée par une longue corne à un piquet. Pour la faire obéir, il suffisait de la prendre par ses deux cornes et de la diriger où on voulait. Mais il fallait faire attention qu’elle ne se révolte pas et nous pousse violemment.
Tout se passait bien. La chèvre broutait l’herbe verte. J’avais apporté un livre pour continuer l’histoire que j’avais commencée, un livre que m’avait offert en cadeau madame et Monsieur Ogier, « la case de l’oncle Tom. Je posais mon livre sur l’herbe pour satisfaire un besoin naturel. Lorsque je revins, je vis la chèvre en train de brouter mon livre. Je pus le sauver à temps avant qu’elle ne l’avalât complètement. Je pus continuer mon histoire. J’ai gardé ce livre avec quelques pages mordues par la chèvre.

 

Avec mes copains, Michel, Claude et Mimi nous allions parfois en bas de chez moi au bord de la rivière, la Trambouze. On pataugeait dans l’eau fraîche, sur le sable, les cailloux. Quelques poissons passaient rapidement, les gerris glissaient à la surface de l’eau en laissant quelques petites ridules. **

Mon oncle André et ma tante Jeannine

Sortie des mariés de l’église précédés de mon frère Gérard .

Un autocar des années 50
Par Jean Capolini, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=98093457

Mon oncle André “fréquentait” une demoiselle. Cela voulait dire qu’elle était sa petite amie. Elle s’appelait Jeanine. Elle était la fille de réfugiés polonais le père et la mère Malowski qui en plus de Jeanine avaient trois garçons : Stéphane, ……, et mimi , mon copain.

Mon oncle et Jeanine se sont mariés. Ma mère n’était pas très d’accord pour que son frère se marie avec une « Polonaise ». Mais elle accepta bien sa nouvelle belle-sœur. Avant le mariage mon oncle répara une pièce qui allait devenir leur chambre. Il la peignit en vert. Mes parents se questionnaient sur le choix de cette couleur car la mode était plutôt aux couleurs neutres : beige, gris, marron clair. Il répondit que le vert était très bien pour une chambra à coucher car c’était reposant.

Leur mariage eut lieu à l’église de Combre. Je ne me souviens que très peu de la cérémonie nuptiale.
Pour le banquet, mon oncle avait loué un car pour transporter les invités jusqu’au restaurant. Là ma mère me surveillait pour que je ne fasse pas de bêtise car lors d’un précédent mariage, alors que j’avais 3 ou 4 ans, j’avais fini tous les fonds de verre à apéritifs. J’étais parait-il très gai.

Mon oncle travaillait dans une usine de tissage ou de confection et ma tante Jeanine dans une manufacture de crayons à Régny, les crayons contés. Ils n’avaient pas de voiture et se rendaient tous les jours à leur travail à vélo quel que soit le temps. Ils avaient chacun environ 5 km à parcourir pour atteindre leur lieu de travail.

Ils eurent un fils qu’ils baptisèrent Patrick. Ma tante, pour le nourrir, lui donnait le sein. J’assistait parfois à cette cérémonie. Elle prenait son bébé dans les bras, ouvrait son corsage passait un liquide sur le téton et lui enfournait dans la bouche. Je regardais médusé. A cette époque, les femmes n’allaitaient que très peu leur bébé, elles leur donnaient plutôt le biberon. Ce n’est qu’une vingtaine d’année plus tard que les pédiatres recommandaient vivement l’allaitement maternel. Ma mère prodiguait cependant des conseils à Jeanine. Un jour cette dernière avait préparé des choux fleurs pour le repas. Ma mère lui ojecta qu’il ne fallait pas manger de choux-fleurs lorsqu’on allaitait.

Mes parents, mon frère et moi

Mon père était ouvrier  chez “Boussac” une usine de tissage à Régny dont le propriétaire était très connu en France. Il s’y rendait à vélo. Je crois qu’il travaillait selon les 3/8 : une semaine avec des journées de 8h le matin, une semaine l’après-midi et une semaine la nuit. 

Il s’était fait “un tour de rein”, une contracture musculaire douloureuse au niveau des vertèbres lombaires et avait dû s’arrêter de travailler pendant quelques jours et se mettre “à l’assurance maladie”. Un après midi alors qu’il était parti à vélo, un inspecteur de la sécurité sociale est venu. Il a constaté son absence et est reparti. Je fus très inquiet des suites que cela aurait pu engendrer. Mais je n’eus aucune nouvelle alarmante ensuite. 

Il avait dû abandonné son vrai métier de pâtissier pour travailler en usine afin de nourrir sa petite famille. Mon parrain aussi me semble-t-il avait effectué un apprentissage en pâtisserie et travaillait en usine. 
C’était une dizaine d’année après la guerre. La France se reconstruisait petit à petit. 
Je n’avais pas conscience de tout cela. 
Mais ce devait être une période très difficile pour mes parents qui se vouaient corps et âme à leur deux enfants. 
A part quelques évènements qui m’inquiétaient, il me semble avoir vécu dans l’insouciance commune à tous les enfants de mon âge. 

Mon père n’était pas violent et il n’aimait pas les armes. Il ne comprenait pas qu’on puisse tuer quelqu’un quel qu’il soit. Ce qui ne l’empêchait pas d’être enclin à défendre les plus faibles. 

Pourtant je le vois discuter fortement avec mon parrain. Je ne comprenais pas très bien quelle en était la raison. J’entendais mon parrain demander à mon père ce qu’il lui devait, mais qu’il ne pouvait pas lui donner. Les voix sont de plus en plus gueulantes jusqu’à ce que des coups partent. Ma mère qui était près de moi pleure et les supplie de s’arrêter. Ils resteront brouillés définitivement pendant vingt ans jusqu’à mon mariage. 

 

Ma mère, mon frère et moi devant notre maison à Chalan

Ma mère ne travaillait pas à l’extérieur mais elle s’occupait du ménage de la maison de la lessive,  du repassage, de la cuisine et surtout de mon frère et de moi. 

Parfois, le soir, à la tombée de la nuit, elle informait mon père que nous allions nous promener et m’emmenait pour une petite marche à travers les chemins de Chalan.***

Nous allions chercher le lait dans la ferme des Guillermains, propriétaires de notre maison, située sur la route en direction de Bourg de Thizy. 

Elle était croyante, mais pas praticante. L’abbé Chatelard, qui s’était occupé d’elle après le décès de son père, lui avait assuré qu’il n’était pas nécessaire d’aller à la messe tous les dimanches, pourvu que l’on aille chaque année communier à Pâques. Cela s’appelait “faire ses Pâques”.

A Bourg de Thizy, elle avait sympatisé avec une jeune fille demeurant dans les HLM situés face à la maison de Paul et Alice Latta. Au cours d’une veillée, je les entendits discuter sur l’éventualité d’un suicide qu’elles éxécuteraient ensemble. Pendant de nombreux jours qui suivirent je fus très inquiet et angoissé que cela se produise. 

Rataton avec Jeanine et Dédé

Rataton 

Mon frère Gérard qui était né en 1950 à Amplepuis devait avoir autour de 3 ou 4 ans. Il était, dans notre entourage le seul petit de cet âge. Tout le monde l’aimait bien,  il avait beaucoup de succès. Il était devenu célèbre.On le surnommait  “Rataton”.

Les veillées chez Alice et Paul Latta

La famille Latta venait pour les vacances  à Chalan mais  habitait dans une maison à l’orée du  grand parc  d’un “chateau” à Bourg de Thizy. Alice en était la concierge.
 Les propriétaires étaient très souvent absents.

Nous étions souvent invités chez eux car Alice aimait recevoir. Nous nous y rendions à vélo. J’utilisais celui que j’avais eu à Bellay et qui avait été rescapé je ne sais comment de l’emprise des huissiers. Parfois, mon frère ou moi montions debout sur l’avant du scooter de Pierrot Latta, un Lembretta je crois .

Lorsque nous y allions en veillée, nous partions en fin de journée et nous revenions tard dans la nuit. 

Dans ce cas, on mangeait des marrons  cuits dans au four, arrosés pour les adultes de vin blanc.
Tout le monde se retrouvait autour de la table avant la dégustation pour entailler la peau marron  de chaque fruit afin qu’ils cuisent parfaittement. Ils étaient répartis sur une plaque en fer placée dans un four très chaud. Au bout d’un certain temps la maîtressse de maison en sortait un pour vérifier si sa cuisson était  bonne.
 Les marrons étaient  étalés sur la table. Chacun se servait,  enlèvait  la peau encore très chaude, avalait la chaire blanche et farineuse en la roulant dans la bouche pour ne pas se brûler avant de la croquer. 
Les adultes discutaient entre eux et les enfants les écoutaient attentivement. 
Parfois, Paul sortait son accordéon et jouait des “morceaux” entraînants comme “Perle de cristal”.
D’autre fois il mettait un disque sur son électrophone que nous écoutions attentivement. Il aimait particulièrement la chanson de Georges Brassens “le gorille”. Je ne comprenis pas bien cette histoire mais ça me plaisait beaucoup. 

Début janvier, on “tirait les rois”. Alice avait acheté des galettes fourrées de frangipane dans lesquelles étaient cachés des petits sujet en bakélite, la fève . Elles étaient placées sur la table découpées en portions égales au nombre des invités. Un enfant passait sous la table pour ne rien voir. Au-dessus, un adulte montrait une portion. L’enfant donnait le nom de la personne à laquelle elle était destinée. Si la part de galette contenait la fève l’heureux élu était couronné roi et pouvait choisir sa reine. 

En été, nous passions des journées  entières à jouer dans le parc parmis les arbres, les cachettes végétales. Nous étions totalement libres pendant que nos parents discutaient dans la maison.
Je m’amusais avec Marie Claude , mon frère avec Maryse ou même tous les quatre ensemble. 
On découpait des courgettes, des aubergines, des cocombres qu’on vendait ensuite au détail. C’est grâce à ce jeu que je découvris ces légumes. 
Le perron du château, en fait une grande maison bourgeoise, dominait le parc et nous défilions l’un derrière l’autre, solennellement, nous prenant pour des rois, reines, princes et princesses imaginant en bas le peuple nous acclamant. ****

On courrait dans les allées grivillonnées. Une fois, mon frère devant et moi derrière, nous galopions. Mon frère buta contre la margelle d’un petit bassin plein d’eau Il tomba dedans et se débatit avec les bras pour laisser sa tête hors de l’eau. Moi, terrorisé, j’avais trop peur qu’il se noit,  je me rendit rapidement dans la maison pour avertir mes parents. Sorti du bassin, tout trempé, dégoulinant, on le sécha, le changea avec des vêtements prêtés par Alice. Heureusement, le bassin n’était pas très profond.

 

Chez Fougerat

Parfois, nous nous retrouvions, la famille Latta et nous quatre chez la “mère Fougerat”  tenancière d’un café restaurant sur la route de Boug-de-Thizy.

C’était une dame âgée asez autoritaire, toute habillée en noir.

Nous y avions rencontré  un couple d’Amplepuis, dont l’homme qui ne travaillait pas était réputé pour gagner sa vie en “jouant à la bourse”.

Paul Latta,  membre du parti communiste le critiquait beaucoup. Il chantait discrètement à son adresse une chanson révolutionnaire “les mains blanches”.

Je n’aimais pas qu’on puisse se moquer de quelqu’un de cette façon. je ne pouvais pas l’exprimer en tant qu’enfant mais ma désapprobation devait certainement se lire sur mon visage car presque tout le monde souriait de satisfaction sauf moi. Mon père qui restait impassible semblait penser de la même façon. 


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