Thizy rue Jean-Jaurès

Thizy rue Jean-Jaurès

Mes premières années à Thizy

Notre appartement


Il me semble, mais je n’en suis pas sûr, que c’est dans ce bâtimant que se trouvait notre “garni”, notre appartement meublé au premier étage du 55 rue Jean-Jaurès. 

Je ne me souviens pas d’avoir souffert de ces difficiles premières années de ma vie.
J’avais été triste de quitter Bellay, mais cette fois me semble-t-il toute la famille était contente que mon père ait trouvé un travail correspondant à ses aptitudes et aspirations.
Nous allions donc encore déménager pour nous installer à Thizy. Mes parents durent trouver un logement ce qui n’était pas facile dans ces années d’après-guerre durant lesquelles il fallait reconstruire la France. De plus, les huissiers avaient saisi tous nos meubles et nous n’avions rien pour emménager quelque part.
Mes parents trouvèrent un meublé rue Jean-Jaurès dont les propriétaires étaient deux personnes âgées pleines de bonnes intentions et avec qui je sympathisait rapidement. Hélas, je ne me souviens plus de leur nom. 

J’étais très intrigué par une horloge qu’on appelait “un coucou”. Elle représentait une petite maison pour oiseau dans lequel se nichait un petit oiseau qui sortait à chaque heure en chantant “coucou, coucou” pour nous avertir du temps qui passe. 
Nos propriétaires qui avaient pendu cette horloge dans leur salon me demandèrent si elle me plaisait. Bien sûr, elle me plaisait tant que j’aurais aimé l’avoir. 
Lorsque nous sommes partis de chez eux pour intégrer un nouveau logement, ils me l’offrirent. J’étais tellement heureux qu’ils puissent me faire ce cadeau. Je l’ai gardé longtemps et je pensais souve,nt à eux. 
Hélas, le coucou a fut perdu dans les différents déménagements et je l’ai regretté longtemps. Et mainteant j’y pense avec beaucoup de tendresse à l’égard de nos propriétaires. 

L'école


Sur la photo, je me trouve au premier plan, au premier bureau à gauche de mon copain Michel M. (au milieu).
Habituellement, ma place était à l’avant dernier bureau près de la porte. Debout , au fond, monsieur Gavage. 

J’intégrais l’école primaire laïque de garçons en cours élémentaire deuxième année chez monsieur Gavage.
Comme monsieur Nérou à Bellay, il était recouvert d’une blouse grise. appelée blouse “pare poussière”. Il était grand et maigre.

Lorsqu’un élève n’était pas sage, s’il parlait ou s’il avait fait une bêtise, il l’appelait sur l’estrade, le prenait par la taille, lui coinçait la tête entre ses cuisses, le basculait, les fesses en l’air et lui assénait deux ou trois fortes claques sur le derrière, puis le libérait pour qu’il retourne à sa place. En général, l’élève cachait son humiliation en arborant un sourire forcé. Un garçon victime de ce sévisse se vantait de lui avoir attrapé ses parties intimes.

Quelquefois l’élève indiscipliné était appelé sur l’estrade, devait tendre le bras, présenter ses doigts rassemblés en cônes pour y recevoir un coup de règle.

Cliquer sur une image pour la faire apparaitre.

J’étais un bon élève puisque je décrochais toujours la première place au classement mensuel.
Je m’efforçais d’essayer de comprendre des notions, des opérations, des calculs en arithmétiques qui me paraissaient obscures à priori.
Je garderai cette bonne habitude tout au long de ma scolarité avec une petite crainte en arrière-pensée, celle de ne pas saisir parfaitement les nouveautés que l’on m’apprenait.

La salle des fêtes de Thizy telle qu’elle existe maintenant. La configuration est la même. Devant les fenêtres fermées il y avait des épais rideaux verts.
J’ai essayé de reconstituer une partie du décor de la scène que nous avions joué.

Pour préparer une fête de fin d’année, avant les vacances de noël je crois, Madame Gavage, la femme de notre instituteur nous fit répéter une petite pièce que nous avons représenté sur la scène de la salle des fêtes. Cela se passait dans un camp de jeunes, On avait monté une tante. On devait aussi chanter. Je me situais en premier plan. J’étais très inquiet, j’avais peur de me montrer et je posais de nombreuses questions pour essayer en vain de ma rassurer. 
J’étais très étonné aussi de la beauté du décor. On avait installé de vraies tentes sur la scène, des bûches de bois placées au-dessus d’une lumière rouge simulaient un feu de camp. 
J’étais très impressionné par ce que nous faisait faire madame Gavage. 
Dommage que je ne me souvienne plus ni de l’histoire ni des chants. 

A la fin de l’année, scolaire, autour du quatorze juillet se tenait la fête de l’école. A cette occasion se déroulait la traditionnelle distribution des prix. Chaque bon élève était récompensé en étant appelé sur une estrade. Une personnalité de la ville lui remettait de beaux livres sous les applaudissements des parents. Les distinctions s’étalaient entre le prix d’excellence et le prix de bonne camaraderie. Certains élèves n’étaient pas récompensés. Cela me paraissait injuste. On m’expliqua que cette cérémonie consistait à distinguer ceux qui avaient bien travaillé durant l’année scolaire.

la fête des classes Mars 1955

je suis le deuxième en haut à gauche 
Les enfants nés en 1945 appartenaient à la classe 1965 car ils allaient avoir 20 ans en 1965.
Comme notre année de naissance se terminait par un 5 ainsi que l’année de nos 20 ans on disait que nous faisions parti des clases en 5. Les classes en 5 réunissent donc toutes les personnes qui sont nées une année se terminant par le chiffre 5. 

C’était l’année de mes dix ans. Au mois de mars ce qu’on appelait la fête des classes battait son plein.

Tous les hommes et enfants nés en 1945, 1935,1925, 1915, 1895, 1885, 1875, 1865 et même 1855 étaient invites à un grand défilé dans les rues de la ville, habillés en costume original suivant sa classe d’âge, accompagnés par la fanfare.

A l’issue de cette manifestation chaque classe d’âge avait rendez-vous dans un restaurant pour un délicieux banquet.

La fête se terminait par un grand bal animé par un orchestre ( Adré Verchren, Georges Jouvain …), Tout le monde dansait la valse, le tango, la paso doble, le slow les vieux comme les jeunes. L’orchestre jouait depuis la scène et autour de la piste de danse en bas, des tables étaient installées pour y consommer diverses boissons ( vins, bières, champagne…). Tout se déroulait parfaitement bien. Les anciens contrôlaient discrètement les jeunes et les enfants.

Le centre d'apprentissage de Thizy


Le centre d’apprentissage était situé dans une ancienne usine. La maison au fond constituait la résidence du directeur et de l’économe qui jouxtait les deux réfectoires dans le prolongement l’un de l’autre. 

 Vue actuelle des bâtiments du centre d’apprentissage. De gauche à droite, l’ancienne résidence du directeur et de l’économe, puis l’extérieur des anciens réfectoires. 

Mon père, Brahim, X, X, Paul Latta, Mr Chevassus.

En haut : mon père,X,X
en bas : Brahim, Paul Latta 

Mon père, grace à son ami Paul Latta, fut admis pour exercer la profession de cuisinier au centre d’apprentissage de Thizy.
 C’était un établissement scolaire destiné à former en trois ans des ouvriers du bâtiments : maçons, plâtriers, menuisiers, charpentiers…..

Les élèves y étaient admis après le certificat d’étude à 14 ans.La plupart, au nombre de 200 environ me semble-t-il, étaient internes.
Chaque jour de la semaine, ils prenaient leur petit déjeuner, leur déjeuner et leur dîner dans deux réfectoires, répartis sur des tables de huit adolescents.

Ils dormaient le soir dans un grand dortoire. Certains, à cause de l’éloignement de leur famlle, devaient rester le week-end. 

Le travail de mon père consistait à préparer les repas avec une équipe de cuisiniers dirigée par un chef. Il portait sur la tête un grand chapeau blanc appelé toque. Parfois il prenait son travail tôt le matin pour préparer le petit déjeuner. Il pouvait aussi travailler certains week-end. 

Il allait à son travail à pied, ce n’était pas très loin. 
Il partait assez tôt le matin pour revenir en début d’après-midi vers 14h. Il repartait vers 17h pour terminer sa journée vers 20h. Aussi je ne le côtoyais que très peu durant sa semaine de travail.

Parmi les élèves, il y avait une petite communauté ‘d’eurasiens”, des enfants d’immiogrés venus en France suite à la guerre d’indochine. Dans l’opinion publique, ces adolescents étaient réputés être plus ou moins violents et commettre des actes de délinquances. Mon père relativisait cette mauvaise réputation et nous en parlait plutôt en termes positifs. 

Il s’entendait bien avec ses collègues qu’il retrouvait parfois au cours de moments de loisirs. 

Le directeur et fondateur du centre se nommait Monsieur Despierre. Il était membre du parti communiste comme Paul Latta. 

L’économe, celui qui élaborait les menus, achetait les victuailles et gérait les finances s’appelait Monsier Sixe et était foncièrement catholique. Il avait un frère dans les ordres. 

A ses débuts ce centre se situait sur un terrain près d’une rivière appelée la vallée à Saint Victotr sur Reins, un petit village près de Thizy désservi par une gare. 

A Thizy les locaux étaient vétustes puisqsue situés dans une ancienne usine. Le dortoire consistait en un alignement de lits sans séparations. Il était chauffé par un poël à charbon. 

Brignais, Vourles, le camp des Castors

Mon père consacrait une partie de ses deux mois de vacances d’été pour travailler comme cuisinier dans  des colonies de vacances ou des camps d’adolescents. Toute sa famille l’accompagnait. Ma mère pouvait aussi parfois y travailler. Il négociait avec son salaire la gratuité de la pension de ses enfants.  

C’est ainsi que du 15 Juillet au 15 Septembre 1955, il fut embauché dans un camp d’adolescents, apprentis maçons, encadrés par des professeurs. Ils devaient construire des maisons “ballon” pour répondre à la crise du logement. L’abbé Pierre était à l’origine de cette initiative. 

Les maisons étaient construites sur le terrain d’un château. Les jeunes dormaient sur des lits de camps sous de grandes tantes kakis appelées marabout et  situées sur le même terrain. 

Pour construire une maison, on gonflait un immense ballon en caoutchouc que l’on recouvrait de ferrailles sur lesquelles on coulait du béton. Normalement si tout allait bien la construction ne durait que quelques jours. 
L’intérieur ressemblait à un immense igloo et tout le monde se demandait quels lits, armoires, placards pouvaient bien meubler ces pièces a demi sphériques.

Nous n’étions pas hébergés sous tente. Nous avions une chambre dans une maison à Brignais située sur la nationale 7. J’étais très impressionné par l’ampleur de la circulation automobile. Ma mère, toujours très inquiète me  demandait de bien faire attention en traversant pour rejoindre notre logement. Je pense que je devais avoir un peu peur. 

L’économe, Monsieur L. et sa femme  logeaient sous une tente avec leur fille Annick qui avait mon âge. C’était ma copine et  j’étais amoureux d’elle. Avec un des fils du directeur on jouait tous les trois ensemble.* Parfois Annick se détournait de moi et semblait se rapprocher du fils du directeur. Je me sentais délaissé. J’endurais cette situation sans dire un mot.  Mais mon grand bonheur c’était, le soir, au moment où elle allait se coucher. Je la rejoignais dans son lit. Nous nous câlinions. Aucune excitation ne venait troubler nos sentiments. Nos parents respectifs n’ont trouvé aucune objection à cette situation purement sentimentale. 
Annick  était parfumée et son odeur est restée collée dans ma mémoire sans que je puisse à jamais  la retrouver en réalité. Plus tard, je humais quelques parfums ressemblaient  à cette senteur mais ce n’étaient que des ersatz. Pourtant l’un d’eux m’a poursuivi assez longtemps jusqu’à sa disparition commerciale, le ho hang de Balanciaga. Je n’ai plus retrouvé ma madeleine de Proust.
Sa mère la parfumait car Annick était énurétique 

Monsieur et Madame L. possédaient une deux chevaux Citroën. Ils étaient fiers de leur voiture qui était la moins onéreuse du marché. Elle avait été conçue avant la guerre. Sa fabrication a été reprise en 1949.Je pense qu’ils devaient avoir le modèle de 1953.
Cette voiture était nouvelle dans sa conception. Elle était faite au départ pour les paysans modestes. Mais elle a vite gagné toutes les classes moyennes. 
Elle se distinguait par plusieurs points :la légèreté de sa carrosserie, le refroidissement de son moteur par air et non par eau, sa suspension  souple qui lui assurait une très bonne tenue de route. 
Je pense que mon père était intéressé par cette voiture. A cette époque, je ne savais pas qu’il ne possédait pas le permis de conduire. 

Alors que nous étions tous réunis dans notre chambre à Brignais, on entend frapper à la porte. Mon père va ouvrir. C’était le directeur du camp avec son fils ainé qui demande à entrer.
S’adressant à son fils, il lui dit :”excuse toi auprès de Madame Brissot”. Très timidement, il bredouille une phrase qu’on entend guerre. Ma mère l’excuse.
Le directeur assène à son fils une calotte magistrale sur sa joue. Je trouvais la punition un peu rude.  Je vis avec tristesse le garçon se frotter la joue et je lus dans ses yeux hagards un grand désarroi. 
La raison de cette sanction, il avait insulté ma mère. 

Camp des Castors, les excursions.

Pour récompenser les adolescents bénévoles de nombreuses excursions étaient organisées. 

Nous avons descendu le Rhône avec un petit bateau jusqu’à Vienne pour visiter la ville romaine. 
Je ne me souviens plus très bien de cet épisode et plus du tout de la visite de la ville. 

Nous sommes allés à Genève devant le palais de l’ONU. Mes parents m’ont indiqué ce qu’était le Bureau International du Travail. 

Nous avons descendu à nouveau le Rhône. Cette fois sur une péniche jusqu’à Arles. 
L’écluse de Donzère Mondragon est très impressionnante. On descend petit à petit jusqu’à ne voir que de minuscules petites têtes, comme celle des mouches, de ceux qui sont restés en haut et nous regardent. 
A Arles nous avons campé. En fin de soirée, en attendant la nuit pour nous coucher, nous avons été envahi par les moustiques qui nous piquaient allègrement. Les démangeaisons étaient presque insupportables.  

Je ne me souviens plus du tout de ces deux excusions, l’une à Annecy et l’autre au mont Salèves. 

Déménagement rue Gambetta

Mon père décida de chercher  un logement non meublé qui serait moins onéreux que le “garni” que nous occupions. La tâche était assez difficile. Il en trouva un au lieu dit “Sabatin”, à la sortie de Thizy. Le propriétaire  Monsieur Doignon, possédait une entreprise. L’appartement était vétuste mais le loyer était peu cher. En échange, il fallait l’aménager  grâce à l’intervention des élèves du collège, une bonne application pédagogique pour eux. 
Je na sis par quel miracle, mais nous avons pu récupérer nos meubles :
La chambre de notre grand-mère paternelle : un lit, une armoire, une table de chevet et une table bureau .
La chambre de nos grands parents maternelle : un lit, une armoire, une table de chevet  une table basse.
Une grande table à plusieurs rallonges. 
Un immense  poêle à charbon très lourd de marque Roja 
Deux fauteuils, l’un rouge, l’autre bleu avec dossier inclinable.
Une table et des chaises de cuisine.
un buffet.
Un poste de radio.

 

 

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